Et si on n’allait plus au bureau ?

Avec l’étalement urbain et la périurbanisation, les trajets domicile-travail prennent une ampleur de plus en plus importante dans nos vies. Ainsi selon l’INSEE, en 2004, les salariés passent en moyenne une heure par jour dans les transports pour se rendre à leur travail. C’est pire pour les salariés de l’aire urbaine parisienne qui y passent plus de deux heures chaque jour. Il est à noter que les cadres parcourent des distances nettement plus grandes que les employés et passent de moins en moins de temps dans leur bureau traditionnel. Ils s’essaient alors à une forme de « nomadisme », s’installant un peu partout pour travailler : le domicile, les transports, les bibliothèques et autres espaces publics.

Cette multiplication des trajets et cette décentralisation des lieux de travail peut vite devenir néfaste à la fois pour notre environnement et pour notre qualité de vie. Mais alors comment donner aux travailleurs la possibilité de diminuer leurs trajets et de travailler plus durablement et plus confortablement ?

L’idée avancée est celle du télétravail ou travail « hors les murs ». Si les travailleurs ne peuvent plus aller au travail, pourquoi ne pas leur amener le travail ? Cette solution comporte de nombreux avantages: moins de temps dans les transports, diminution du stress, baisse de la fatigue, davantage de moments à consacrer à sa famille… C’est aussi une baisse du trafic sur les routes et la diminution de la pollution et des émissions de CO². Toutefois le télétravail peut également générer de la solitude, de l’exclusion, des phénomènes de confusion entre travail et vie privée… Pas très folichon. Pour pallier à cela, l’idée d’espaces collectifs en télétravail a émergé.

Il s’agit d’espaces de travail situés à proximité des zones d’habitation et des hubs de transport, où des indépendants peuvent côtoyer des salariés mobiles, et qui offrent toutes sortes de services complémentaires : pôles supports (comptables, juristes), garderies, consignes, cafeteria, salles des réunion.

La ville d’Amsterdam a ainsi construit plus de 30 « Smart Work Centers » dans le cadre de son programme « Smart City ». Les entreprises ou les collectivités achètent des crédits d’heures dans ces centres offrant ainsi la possibilité à leurs employés de s’y rendre, pour travailler ou organiser une réunion, afin de gagner du temps sur leurs trajets. L’objectif affiché est de renforcer l’innovation et la mobilité des travailleurs, mais en réalité il s’agit surtout de diminuer la surface des bureaux de moitié.

Toutefois l’idée a beaucoup de succès car elle permet d’offrir aux travailleurs mobiles une plus grande flexibilité dans la planification de leurs horaires de travail.

L’entreprise Cisco s’est largement investie sur ce marché en Hollande ou elle a crée plus de 108 centres semblables. Ces lieux, publics ou privés, s’adressent à la fois aux jeunes entreprises, aux travailleurs indépendants, aux chercheurs ou aux salariés. L’objectif à terme : que chaque travailleur puisse accéder à l’un de ces centres dans tout le pays, en moins de 15 minutes de vélo.

En France, les collectivités s’investissent également en créant de l’immobilier d’entreprises afin de dynamiser l’emploi et l’essor des PME et des artisans. Une volonté de leur part de maintenir les travailleurs dans les périphéries dans une logique de développement rural. Bon nombre de communes créent ainsi des pépinières et des hôtels d’entreprises qui offrent des espaces (bureaux et ateliers) à louer à des conditions avantageuses tout en mettant à disposition des services de base.

La communauté de Communes d’Issoire (63) a ainsi récemment lancé la création d’une telle structure afin d’héberger des entreprises des secteurs automobile et aéronautique. C’est aussi le cas du Conseil général de Seine-et-Marne qui s’est lancé dans le développement de réseaux de télécentres permettant aux « nomades » de disposer d’espaces collectifs à proximité de leurs domiciles. La région Ile-de-France s’est aussi lancée dans une politique de soutien à l’éclosion de tiers-lieux. Dans le budget 2011, 1 million d’euros a été prévu pour permettre de créer des plateformes de télétravail dans la région. Un cluster Green and Connected Cities a également été crée entre acteurs publics et privés pour réfléchir à la mise en place plus généralisée de ces centres de télétravail un peu partout sur le territoire.

Des initiatives privées également, destinées aux travailleurs indépendants d’une même branche comme à Paris avec La Cantine, branchée numérique, et La Ruche, plus orientée entrepreneuriat social. Un outil permet de trouver ces lieux alternatifs en France : les télécentres et les espaces de coworking y sont référencés et géolocalisés notamment par les télétravailleurs eux-mêmes.

Mais quid du portage et de la mise en œuvre de ce genre d’investissements sur le territoire, dans les secteurs non investis par le secteur privé. Les SEM Patrimoniales par exemple, sociétés à capitaux publics qui portent de l’immobilier d’entreprise sont une piste que les communes exploitent de plus en plus. Le Grand Lyon a récemment crée une SEM Pat « SERL@IMMO » qui aura pour vocation de porter, de commercialiser, de gérer un patrimoine constitué des commerces dans les opérations de renouvellement urbain, d’immobilier d’entreprise dédié et des plates-formes d’innovation technologique.

L’idée du partenariat public-privé, largement utilisé pour les pépinières d’entreprises, est tout à fait adéquate puisqu’elle permet de prendre en compte à la fois des recettes publiques sous forme de subventions et des recettes provenant du paiement de loyers ou de crédits d’heures par les entreprises et les travailleurs locataires. Bail Emphytéotique Administratif (BEA) et Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT) peuvent notamment être des pistes à suivre en matière de montage juridique et financier.

Pour développer largement le télétravail et le coworking à la fois pour les salariés et pour les travailleurs indépendants, reste à vaincre les freins pouvant venir de l’employeur lui même qui souhaite garder un certain contrôle sur ses employés…  Cela prendra du temps pour développer ce genre de pratique et accepter des organisations plus transversales et un management dans la confiance. Du temps pour passer de la présence à la confiance…

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